Pillar Point, au sud de San Francisco, abrite une vague désormais connue de tous, Mavericks. Mais, ce n'était pas du tout le cas il y a une trentaine d'années. Jusqu'alors, seul Jeff Clark osait surfer ce spot de gros. Petit à petit, il parle de la vague à ses amis, qui ne le croient d'abord pas. Mais finalement, les plus curieux d'entre eux l'accompagnent jusqu'au spot et se rendent compte du monstre. Mavericks gagne une notoriété publique en 1992, quand Surfer Magazine place en première page, une photo de la vague californienne avec le titre «Cold Sweat» (ndlr: sueur froide en français). Half Moon Bay devient rapidement LE spot de grosses vagues californien, et c'est tout logiquement que les meilleurs surfeurs de la planète y affluent pour affronter ce géant des mers.
Crédit : Surfer Magazine
Pendant ce temps là, Jay Moriarity, un jeune californien âgé de seulement 12 ans (en 1990) souhaite à tout prix devenir surfeur. Une chance pour lui que son voisin soit Rick «Frosty» Heeson, un excellent rider. Comme il l'a fait avec de nombreux autres jeunes ados en quête de glisse et d'aventure, Frosty devient le mentor de Jay. Il lui demande d'écrire des essais sur le surf, lui apprend à ramer pendant des heures et à maîtriser ses sentiments. Là où Jay se révèle différent des autres apprentis de Frosty, c'est qu'il ne se contente pas de petites vagues. Rapidement, Jay Moriarty se mesure à tous les types de houles qui existent, notamment sur un certain spot nommé... Mavericks.
Alors célèbre depuis quelques mois, le spot fait très peur à son mentor (qui le surfe depuis quelques années), et interdit à Jay d'y aller. Mais sachant que son protégé finira un jour par se lancer sur cette vague géante, il monte un programme (incluant beaucoup d'apnée) pour le préparer au mieux. Ce n'est que début avril 1994, après la fin des grosses houles d'hiver que Rick Heeson laisse Jay Moriarity sortir à Mavericks. Le jeune surfeur s'approprie tant bien que mal le spot, au fur et à mesure des mois. Alors qu'il n'a pas encore ridé de grosses houles hivernales sur le spot, Jay décide d'aller surfer en ce jour du 19 décembre 1994. Les vagues des plus grosses séries font jusqu'à 10 mètres, mais du haut de ses 16 ans, il se lance tout de même à l'eau.
Jay Moriarity va vivre la plus grande frayeur de sa jeunesse. Alors qu'il a déjà pris une vague depuis le début de la journée, il s'élance sur un monstre de 35 pieds de haut (environ 10 mètres). La température de l'eau est d'une petite dizaine de degrés Celsius. Les conditions sont extrêmes. Alors qu'il aurait dû dévaler la pente abrupte, Jay est maintenu sur le haut de la lèvre par les vents. Ne pouvant rider correctement la vague gigantesque, Jay Moriarity fait une chute de plus de dix mètres. Il restera plus de trente secondes sous l'eau glaciale, secoué dans tous les sens par la force de cette houle. Par chance, il évitera les nombreux rochers qui font partie du charme de Mavericks et s'en sortira indemne. Le constat n'est pas le même pour sa planche, broyée en deux.
Plus étonnant encore, le jeune surfeur assoiffé d'adrénaline, repartira à l'eau avec son gun de rechange, prenant huit vagues en cinq heures. En sortant, il déclarera « C'était plutôt une bonne journée, j'ai pris beaucoup de vagues. ». Unique. Quatre jours plus tard, le surfeur singapourien Mark Foo décèdera sur la même vague qui vient de rendre célèbre Jay Moriarity.
Bien plus tard, Rick Hesson déclarera «Dire que Mavericks, ce n'est pas pour les enfants, c'est de l'injustice pour Jay, moi et tous ceux qui ont surfé cette vague. Mavericks n'est juste pas faite pour les humains.» On ne peut qu'imaginer ce qu'a pu ressentir Jay Moriarity, le 19 décembre 1994, quand il s'est retrouvé en haut de cette vague de 10 mètres. Et comme il le disait si bien : « On doit apprécier chaque chose que la vie nous apporte. C'est l'une des choses les plus importantes, apprécier la vie, notre vie car on ne vit qu'une fois et ce n'est pas très long... profitez de votre vie ! » Merci Jay.