Photographe, tatoueur, graphiste et artiste de rue reconnu à Panama City, Alexander Wtges illustre en temps réel la mutation culturelle de son pays.
Avec plus d'une centaine d'établissements bancaires internationaux installés dans le centre, Alexander Wtges, directeur artistique de l'agence Revolver, devait fatalement avoir un jour à dessiner le logo d'une banque. L'intéressé, à l'origine un street artist pur et dur, n'y voit aucune confusion des genres : “C'est toute la magie du Panama d'aujourd'hui”, explique-t-il. “Dans la City, le business est de plus en plus connecté avec la culture de la rue. C'est un lien inscrit dans l'ADN de la ville, notamment au niveau architectural.” Qu'il s'agisse d'un travail de créatif pour Unibank, d'un logo pour représenter le Panama au concours international “CitID”, d'une campagne pour Hurley ou pour la petite marque locale Hexagram, Alexander Wtges sait que son travail s'enrichit de cette diversité de cibles et d'influences, et que sa polyvalence est un atout. “Comme graphiste, je cherche des lignes claires, directes. Je suis très méthodique. Mon travail purement artistique est plus expérimental. J'aime jouer avec la mémoire collective, travailler sur des images qui font appel aux sens et aux souvenirs.”
Du tatouage au graff
Mordu de dessin depuis son plus jeune âge, Alexander est à l'adolescence un fan de BD fasciné par les magazines de skate et de BMX. “Cette culture rebelle et arty m'a littéralement happé”, avoue-t-il. Il rêve de devenir tatoueur et ouvre son premier studio alors qu'il étudie le design et le graphisme à l'université. “Les animaux — serpents, oiseaux, félins — et les crânes stylisés qui peuplent mon univers viennent de ma culture BD, du tatouage, mais aussi de la symbolique sud-américaine de l'animal-totem. Quant au graff, il reste à la base de ma vocation artistique. J'utilise beaucoup de techniques différentes aujourd'hui, mais ne pourrais pas vivre sans peindre régulièrement à la bombe. Rien ne vaut un bon mur et une bonne idée qui ne vous quitte pas tant que tout n'est pas terminé”.
Surf, skate & rock art
Parmi ses influences, Alexander Wtges cite volontiers Bob Haro et ses cartoons des années 80 autour du thème du BMX, puis, dans le désordre : Alex Trochut, Emil Kozak, David Smith, Shepard Fairey, David Tevenal, Nychos, Kaws, Joram Roukes et VCJ (Vernon Courtlandt Johnson, ndlr)… “Sans oublier l'oeuvre ‘surf, skate & rock art' de Jim Phillips, un maître absolu”. Après avoir signé une série de skate graphics pour la marque Sur Skateboards puis des décos et des logos pour Boa Surfboards, il participe avec son ami le skater panaméen Harold Tomlinson (voir P65) au lancement de la marque República. “Qu'il s'agisse de surf ou de skate, l'idée et de s'inscrire dans un mouvement local, d'exprimer la fierté d'être Panaméens, quitte à revisiter le folklore local, en travaillant par exemple sur la déco traditionnelle des Diablos Rojos (les bus de Panama, ndlr) ou sur les ‘molas”, ces tissus richement brodés hérités de l'art des indiens Kuna.”
Duo de choc
Il y a trois ans, Alex rencontre Camila Bernal, une jeune artiste colombienne en mission à Panama City pour dessiner une ligne de la collection Converse Latino América. C'est le coup de foudre, amoureux et artistique. Mariés depuis janvier dernier, ils ont déjà signés à quatre mains de nombreuses décos d'hôtels et de shops, ainsi que des murs à Bocas del Toro et Paki Point, sur Isla Colon. “Panama est le troisième membre du trio” affirme Camila. “Ce pays vit et réinvente sa culture en ce moment et c'est pour nous, et pour beaucoup d'autres artistes locaux, une grande source d'inspiration.”