©Kelly Cestari
Article écrit en collaboration avec Noé Grandotto, coach mental
Surf et compétition
Il faut, avant de parler du mental dans le surf, parler du surf. Lorsque les surfeurs participent à une compétition, il faut savoir que de nombreux paramètres influant sur la performance mentale entrent en jeu. Si le mental ne résout pas tout et qu'il est une petite partie de l'entraînement d'un surfeur, il est pourtant décisif et prend une grande part dans la performance (jusqu'à 80% selon Adrien Cordier pour citer un exemple). Lors d'une compétition, un surfeur est soumis à un jugement. Des juges vont attribuer une note pour chaque vague surfée. Le jugement et les notes orientent donc le surfeur vers des résultats. Cette dimension peut amener à des situations anxiogènes.
Mais d'autres paramètres sont à prendre en compte. En effet, les surfeurs vont passer généralement par groupe de deux ou trois sur des périodes de 30 minutes (le format peut changer suivant le niveau, les catégories etc.). Sur cette fameuse période de 30 minutes, le surfeur va prendre trois, quatre, cinq, peut être dix vagues pour les meilleurs jours. Si l'on considère qu'il prend 8 vagues et que chaque vague surfée dure 5 secondes, il aura été debout sur sa planche en pleine action de surf pendant 40 secondes, soit moins d'une minute. Tout comme le golf par exemple, le surf est donc un sport cruel en compétition. On a du mal peut-être à se l'imaginer, mais sur 30 minutes le surfeur passe 29minutes et 20 secondes (c'est bien sur une approximation moyenne) à faire autre chose que surfer. Il doit bien sur se placer, lire les vagues, ramer mais il a aussi beaucoup de temps « morts» où il doit apprendre à gérer la dimension mentale. Si en France encore aujourd'hui nous sommes réticents à la pratique de la préparation mentale pour diverses raisons et croyances (même si nous évoluons beaucoup ces derniers temps et de nombreux surfeurs le prouvent !), de nombreux pays, eux, ont bien compris son importance dans la performance.
La gestion de ces fameux temps morts
Mais alors comment peut-on gérer ces temps morts ? C'est la réponse que nous allons essayer d'apporter grâce à la préparation mentale. Il faut savoir que durant ces différents temps nous sommes sujets à des interférences pouvant provoquer une déstabilisation mentale.
Ces interférences extérieures peuvent provenir :
-Des conditions
-Des autres surfeurs
-Du public
-Des juges
-D'un discours interne négatif
-Des médias etc…
Il faut rester calme et gérer son temps pour rester concentré sur la situation tout en gardant un état mental optimal. Si la recherche de la fluidité pendant l'action permet de décrocher le graal, il faudra avant cela définir une stratégie de préparation à une action (un défi). On s'entraîne physiquement, mais on peut également s'entraîner mentalement pour optimiser ses performances.
Deux procédures possibles
Deux procédures sont possibles. En effet, on prépare son action longtemps avant (la veille ou quelques heures avant par exemple) mais aussi juste avant l'action. Dans le surf, cela peut être entre chaque série, ou chaque vague. Nous centrons ici l'article sur ce temps qui se situe entre chaque vague.
C'est donc une période courte et très importante qui précède une action comportant des enjeux. Dans le surf, cette période varie énormément puisque elle peut durer 30 secondes comme plusieurs minutes, d'où la grande difficulté à gérer ce temps.
Il va donc falloir se centrer sur deux éléments essentiels :
-Notre comportement (ACTION) et notre concentration
-Nos émotions et notre activité mentale
La concentration
Juste avant l'action, nous devons focaliser notre attention sur le champ de concentration interne étroit. Ce champ permet de préparer mentalement l'action. On est concentré sur soi, sur ses sensations. Une des difficultés sera de passer de ce type de concentration à une concentration sur l'agir et dans l'action immédiate à venir. Cependant, il est primordial à ce moment-là d'être focalisé sur soi. Cela permet de protéger nos compétences et d'éviter les influences négatives qui peuvent nous entourer comme nous l'avons vu précédemment.
Il peut être utile d'écrire sur une fiche de préparation à l'action quel est mon comportement à différents moments dans ces temps « morts », sur quoi je peux me concentrer et rechercher mes sensations agréables.
Dans ce temps là des outils de respiration abdominale, de relâchement, et de concentration peuvent vous aider. Il est très important d'établir une mise en action amenant à l'atteinte de vos objectifs.
Le discours interne positif est une des stratégies pour éloigner la menace des interférences extérieures. Il s'agit de se parler à soi-même : « très bien je n'ai pas eu une bonne note, je vais revenir au line-up et prendre calmement le temps de reprendre une bonne vague pour récupérer l'avantage » ; « Je suis calme, je vais en profiter pour montrer mon meilleur surf ».
Vous pouvez aussi porter votre attention sur des éléments pertinents, comme l'analyse du déferlement de la vague, votre position sur la planche, votre planche ou encore le placement de vos épaules lors d'une manoeuvre.
Se fixer les bons objectifs
Nous écrirons un sujet sur la fixation d'objectif, mais celle-ci va permettre de focaliser votre attention sur vous-même ; vous allez vous donner des objectifs avec un certain enjeu mais réalisables à court terme ! Ces objectifs doivent être centrés sur vous et non sur le résultat : « pendant le temps où j'attend la prochaine série je répète mentalement une ou deux manoeuvres » « je focalise mon regard au bon endroit sur la lèvre » « j'équilibre bien le poids de mon corps sous mes pieds »…
Nos émotions
Le but cette fois est de noter ce que l'on ressent émotionnellement. Certains outils émotionnels vont nous permettre d'atteindre nos objectifs. Rappelons qu'une action juste passe par une bonne décision, et celle-ci est déterminée par le bon mode de concentration et par la sélection de la bonne émotion (Cf A.Damasio).
D'un point de vu émotionnel vous devez vous placer dans une posture de défi. Dans cette situation vous devez aimer la pression, c'est-à-dire avoir une anxiété positive afin de passer en fluidité lors de la mise en action.
Il faut activer des bonnes sensations en utilisant la répétition mentale (répéter mentalement les premiers gestes permet de se préparer à l'action) ainsi que les outils de projection mentale des temps forts réussis et des sensations associées. Votre attitude doit être positive, votre mode de pensée aussi en associant par exemple des mots-clés, ou des gestes.
Apprendre à aimer les situations de pression demande de l'entrainement afin de pouvoir contrôler ses stratégies. Mais la visualisation et les outils de respiration et de relâchement sont faciles d'accès et peuvent vous aider rapidement. Effectuer en effet des respirations abdominales et des exercices de relâchement permet de faire baisser le niveau de stress, rester calme ou encore être totalement disponible pour se concentrer sur le bon champ d'attention.
Prêt ?
Ces situations ne sont donc pas évidentes à gérer et chaque situation est unique et chaque surfeur la vivra différemment, d'où la complexité de la préparation mentale. Il n'y a pas de solution miracle et cela nécessite de l'entraînement : s'entraîner à se relaxer, à gérer ses temps mort et ne pas espérer que du premier coup, surtout lors d'un enjeu, vous arriviez à optimiser ces moments, relâcher vos tensions etc. Pour récapituler utilisez ces moments d'attente à votre avantage et concentrez-vous sur vous-même et sur ce que vous pouvez contrôler. Si des choses vous échappent, il faut l'accepter ; s'il est important de lire les vagues et l'évolution des conditions, cela ne doit cependant pas influer sur votre état si observez d'un coup que les conditions deviennent moins bonnes. Vous n'y pouvez rien, concentrez vous plutôt sur les choses sur lesquelles vous pouvez agir !
Durant ces moments en surf, la préparation mentale vous apprend à contrôler vos émotions, vos pensées afin de vous focaliser sur les bonnes choses. La relaxation, la respiration, la visualisation sont des exemples d'outils car il en existe beaucoup. Certaines demandent un travail beaucoup plus approfondi mais le but est aussi de donner quelques pistes à essayer.
Bon surf !
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