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Retourner à l'eau après un accident de surf

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Maya Gabeira ©Ricardo Bravo-Red Bull

Article écrit en collaboration avec Noé Grandotto, coach mental

En 2013, la surfeuse Maya Gabeira découvre le spot de Nazaré et tombe amoureuse de cette vague gigantesque. La même année, la spécialiste des big waves frôle la mort à cet endroit, lors d'un terrible accident. Aujourd'hui, la surfeuse dit se sentir prête à surfer de nouveau là-bas.

Comment surmonter le traumatisme d'un accident ou d'une chute, chez un surfeur pro ou amateur ? C'est ce que nous allons vous expliquer, grâce aux conseils de Noé Grandotto, coach mental de surfeurs.

Le retour après une chute, un combat physique et mental

La vie de sportif professionnel et tout particulièrement de sport extrêmes est souvent ponctuée de blessures ou de chutes plus ou moins importantes. Pour Noé Grandotto, "le retour à la compétition, aux challenges, ou tout simplement le retour à l'eau n'est pas évident et il peut naître une grande appréhension. La peur de la prise de contact à nouveau avec le défi, la chute dans le surf de gros par exemple, handicape grandement le retour à un haut niveau de performance. Plus globalement j'ai tendance à expliquer aux surfeurs avec qui je travaille l'importance de l'interaction entre les trois sphères mentales : les pensées (le cognitif), les émotions (l'émotionnel) et la remise en action (l'action/comportement)".

Les semaines qui suivent la chute sont primordiales. Le surfeur devra étape par étape prendre le chemin de la guérison. Pour cela il aura recours à des exercices physiques mais aussi à un travail mental afin de retrouver son niveau dans les meilleures conditions, en passant outre les appréhensions légitimes qu'il peut avoir.

Avoir vécu une chute, être blessé pendant de longues périodes peut être vécu comme une détresse psychologique. Il faut dans un premier temps accepter la chute. Le soutien social est alors important autant dans la sphère professionnelle que personnelle. Il faut que le surfeur sente que son entourage compte encore sur lui. C'est primordial dans le processus de guérison. Il est également très important que le surfeur soit écouté afin de verbaliser la peur, les craintes, ou autre frein possible au retour. La parole joue donc un rôle important dans le retour.

Retourner à l'eau implique souvent une appréhension. Le surfeur peut légitimement avoir la crainte de se confronter à nouveau au défi, à la vague surtout si la chute a été traumatisante. Notre coach mental explique : "le travail avec le préparateur mental va donc aider le surfeur à gommer ses peurs. Lorsque les peurs sont connues on pourra travailler en imagerie mentale par exemple. Il est essentiel et j'insisterai là dessus de retrouver des situations de réussite. Le préparateur mental accompagnera le surfeur à utiliser des outils pour contrôler ses pensées".

Prendre son temps

Se remettre psychologiquement d'un accident est souvent plus long que la récupération physique. Tout simplement, on ne se sent pas de retourner à l'eau. L'appréhension, le stress et la perte de confiance en soi sont des réactions normales après un tel choc émotionnel. D'après Noé Grandotto, "une des erreurs fréquentes est de vouloir revenir trop vite à l'eau. Les risques de récidive vont être plus élevés. Il y a un délai à respecter et on ne peut pas aller plus vite que la musique comme on dit. Parfois ça passe la première fois, la seconde et après on se retrouve face à des récidives. Il faut donc prendre son temps et surtout il ne faut pas comparer ses performances actuelles avec celles d'avant. Il faut rester centré sur soi pour justement rester optimiste, c'est ce que je dis souvent aux surfeurs qui se dispersent dans le passé, ou dans ce que les autres réalisent durant leur période de guérison".

Il faut donc revenir à l'eau progressivement, prendre son temps. Selon les personnes, cela peut prendre des semaines, des mois, voir des années avant de revenir au lieu du drame. Maya Gabeira aura patienté quatre mois avant de retourner sur sa planche à Hawaii. Mais il lui faudra beaucoup plus de temps - deux ans - pour retourner à Nazaré. Dans une interview accordée à Redbull, elle explique : « J'y ai énormément pensé dans les jours qui ont suivi, profondément et intensément. J'ai donné beaucoup d'interviews à ce sujet et tout le monde voulait m'entendre raconter la chose. C'était comme revivre l'accident encore et encore. Et puis j'ai passé deux mois sans pouvoir marcher, donc impossible d'oublier ce qu'il s'était passé. Mais dès que j'ai pu utiliser ma jambe à nouveau, j'ai laissé tout ça derrière moi. J'en parle rarement maintenant. Devoir en parler tout le temps, je dois dire que c'était oppressant ». Chacun vit donc sa reconstruction mentale comme il le sent, l'important étant de ne pas précipiter les choses, au risque de se blesser de nouveau, ou de mal vivre son retour à l'eau.

Si un surfeur repense à la chute qu'il a vécu dès qu'il doit se retrouver dans l'instant final, une peur insidieuse risque de désactiver ses compétences et donc freiner sa capacité à prendre la bonne décision au bon moment. Le pôle émotionnel étant touché, il est difficile voir impossible de sélectionner le bon champ d'attention.

Mais avant même de retrouver cette situation le surfeur peut appréhender le retour à ce contact avec l'action. Paralysé par les pensées et les émotions, il n'est plus en capacité de se préparer au défi et de réaliser sa performance.

Après de longue période d'absence dues à une chute, une blessure, la préparation mentale peut être un outil très utile pour aider le surfeur à retourner à l'eau. Le simple fait de pouvoir évoquer ses appréhensions sans risque de se sentir jugé par le staff, l'entourage, est salutaire.

Il faut une première phase d'écoute, puis entamer un travail spécifique en préparation mentale. Selon les circonstances le sportif pourra utiliser des outils comme l'imagerie mentale, le contrôle du discours interne, la gestion du stress par l'optimisation des modes mentaux, etc.

Il faut donc prendre son temps et surtout il ne faut pas comparer ses performances actuelles avec celles d'avant. Il faut rester centré sur soi pour justement rester optimiste, c'est ce que je dis souvent aux surfeurs !

Se centrer sur soi et non sur ses peurs

Jacques Fradin nous explique très bien qu'il est nécessaire de relativiser toutes les situations. Il y a des germes de succès et d'échec dans chaque situation ; plus encore on peut trouver des avantages quelle que soit la situation. Après une blessure, un « blocage » psychologique peut entrainer une spirale de négativité. Le surfeur ne trouve alors aucun avantage et s'enferme dans un stress pouvant devenir pathologique. Il faut donc regarder la situation autrement. C'est l'occasion de sensibiliser le surfeur à la différence entre ce à quoi il pense et ce qu'il ressent. Trop souvent le surfeur revenant d'une chute se centre principalement sur ce à quoi il pense. Alors que la blessure est soignée et la chute lointaine, il pense son action comme un ancien blessé, comme celui qui a chuté ! Il appréhende donc toutes les situations qui peuvent lui rappeler sa blessure. La pensée négative classique « il ne faut pas que je me blesse » ou bien « il ne faut pas que je chute » influe fortement sur l'état mental du surfeur.

Il est donc utile pour le surfeur d'apprendre à se centrer uniquement sur ses sensations. Cela peut se faire en imagerie mentale, puis en préparation mentale intégrée à la situation (Travail mental associé à travail physique et technique).

C'est en contrôlant ses émotions et en focalisant son attention sur soi, sur son corps plus que sur ses pensées que le surfeur reprend confiance en lui et en ses capacités. Il pourra ainsi envisager un retour plus serein.

En somme, le surfeur doit s'impliquer dans le retour au plus haut niveau, reprendre confiance en lui et surtout prendre son temps. Ce sont des étapes à respecter pour revenir à son meilleur niveau. Il faut bien comprendre que de suivre à la lettre ces étapes ne met personne à l'abri d'une nouvelle chute. Il n'y a pas de bonne réponse et c'est là où le travail avec un préparateur mental peut devenir plus qu'essentiel.

Prévenir les risques d'accident

Il est important de tirer des leçons de son accident et de tout faire pour ne plus se remettre en danger. Maya Gabeira retournera surfer des vagues géantes à Nazaré, mais cette fois-ci avec de nouveaux gilets de sauvetages, davantage de matériel de secours et une équipe entièrement dédiée à sa sécurité. Les accidents surviennent dans la majorité des cas soit par collision contre sa propre planche, soit contre d'autres surfeurs. Il est donc primordial de respecter les règles de priorité. En cas de session sur fond rocheux, ou lorsque que le line-up est surpeuplé, le port du casque peut s'imposer. Au niveau de la planche, les débutants se dirigeront vers des boards en mousse. Des dérives flexibles sont à privilégier pour les débutants et les enfants ; et pour les surfeurs expérimentés, des dérives sécurisées par des bords souples éviteront beaucoup de coupures.

Pour aller plus loin :

Notons que parfois il faudra que le travail avec le préparateur mental soit associé à un travail plus profond. La chute peut devenir traumatisante et venir s'ancrer dans des parties très résistantes. Même si le travail en préparation mentale me paraît primordial dans le surf et dans le retour après une chute, il faut reconnaître où sont ses limites. D'après Noé Grandotto, "la préparation mentale nous permet d'apporter des réponses mais lors d'un traumatisme profond, il sera essentiel d'accompagner le surfeur à aller voir un spécialiste (sauf si le préparateur mental et lui aussi formé à des outils thérapeutique). Un psychologue spécialisé, un psychothérapeute utilisant des outils thérapeutiques est donc parfois nécessaire. L'EMDR, la cohérence cardiaque (que j'utilise régulièrement) sont des techniques puissantes de désensibilisations mais il existe d'autres approches. Orientez-vous dans tous les cas vers un spécialiste compétent et diplômé. Un bon préparateur mental diplômé saura vous orienter vers des spécialistes s'il le juge nécessaire".

N'oublions pas qu'il est normal (il faut donc l'accepter) d'avoir des séquelles d'un accident. Il faut apprendre à vivre avec. C'est un travail très long que chacun doit apprendre à faire à sa manière. Le concept psychologique de « résilience » est très important et certains ont plus ou moins de force à utiliser cette capacité très puissante. Bethany Hamilton est un exemple parfait d'une personne ayant été très forte sur ce point. Il faut accepter en allant vers l'avant… Chose plus facile à dire qu'à faire et c'est pour cela qu'il existe aujourd'hui des spécialistes en préparation mentale pour accompagner les surfeurs dans ce processus. Le rôle de la famille et de l'entourage en général reste également primordial.

Bethany Hamilton ©Alamy